Section clinique de Strasbourg

Institut du Champ freudien    Sous les auspices du département de psychanalyse de l'Université Paris VIII      Direction : Jacques-Alain Miller   Administration : Association Uforca-Strasbourg     Coordination : Pierre Ebtinger          

La Section clinique de Strasbourg a pour but d'assurer un enseignement fondamental de psychanalyse, tant théorique que clinique.

La Section clinique de Strasbourg est administrée par l'Association UFORCA-Strasbourg. 

En tant qu'organisme de formation, UFORCA-Strasbourg a obtenu la certification qualité Qualiopi depuis septembre 2023, pour la catégorie : Actions de formation. Les formation sont dédiées aux professionnels de la santé mentale et aux étudiants en psychologie et en psychiatrie.


Argument Session 2026

Les embarras du transfert

Pourquoi parler encore du transfert ? Pourquoi s'embarrasser de cette notion qui évoque des manifestations subjectives alors que les troubles psychiques trouvent tant de réponses dans le champ objectif de la science ?

Lorsque Lacan consacrait une année de son Séminaire au transfert, le thème était d'actualité. Les cliniciens pensaient leur pratique à partir du transfert et du contre-transfert, en mettant l'accent sur ce qui était éprouvé. L'apport original de Lacan a été de situer le transfert non pas à partir de sentiments, mais à partir de la demande. Mais cela se passait à une époque où la demande à l'autre se déployait d'une façon très différente de ce que nous connaissons aujourd'hui.

La demande de soins est recouverte par la demande de diagnostic. Le lien de confiance s'efface devant la référence au protocole. La tâche thérapeutique du praticien est encadrée par l'impératif d'un accord du patient et le souci de ne pas être l'objet d'une plainte. Sans compter les avis sur les réseaux sociaux.

Y a-t-il donc encore lieu de tenir compte des particularités subjectives propres à chacun dans le diagnostic et le traitement d'un trouble psychique ? Ce n'est plus l'opinion commune, ainsi que l'atteste la référence première au cerveau plutôt qu'à l'inconscient freudien. L'approche clinique lacanienne, fondée sur la sauvegarde de la découverte freudienne, serait donc tout à fait dépassée si elle ne s'avérait souvent encore bien utile.

Cette approche clinique est bien embarrassante, car elle ne peut éviter la dimension personnelle propre à chaque demande de soins. Et l'embarras se redouble lorsque nous admettons cette part subjective sans disposer des moyens pour la traiter. « Il (elle) m'a fait telle ou telle confidence intime en plus de la plainte sur ses symptômes, et maintenant qu'est-ce que j'en fais ? » Cela s'entend souvent de praticiens qui se risquent à recueillir de la bouche du patient autre chose que l'énoncé de son symptôme, c'est-à-dire dès lors que quelque chose d'autre que le besoin de soin se laisse entendre dans ce qui est adressé.

L'enseignement de Lacan permet de situer avec une grande précision ce qui se joue sur les plans de la demande, du désir, de l'amour, de donner sa juste place à ce qui se répète. Il permet de comprendre les fondements du transfert et de savoir un peu plus de quoi l'on parle lorsque l'on s'y réfère. Nous pouvons alors saisir que les embarras du transfert sont aussi des éléments cliniques cruciaux à partir desquels peut s'orienter le traitement du symptôme.

Cette formation sur le transfert articulera la théorie et la pratique en prenant appui d'une part sur des cas cliniques et d'autre part sur la lecture attentive du Séminaireviii Le transfert de Jacques Lacan, ainsi que des textes freudiens auxquels il se réfère.


Publications du Champ freudien


Qu'est-ce qu'une Section clinique ?

Prologue par Jacques-Alain Miller

Nulle part au monde il n'y a de diplôme de psychanalyste. Et non pas par hasard, ou par inadvertance, mais pour des raisons qui tiennent à l'essence de ce qu'est la psychanalyse. On ne voit pas ce que serait l'épreuve de capacité qui déciderait du psychanalyste, alors que l'exercice de la psychanalyse est d'ordre privé, réservé à la confidence que fait le patient à un analyste du plus intime de sa cogitation.

Admettons que l'analyste y réponde par une opération, qui est l'interprétation, et qui porte sur ce que l'on appelle l'inconscient. Cette opération ne pourrait-elle faire la matière de l'épreuve ? - d'autant que l'interprétation n'est pas l'apanage de la psychanalyse, que toute critique des textes, des documents, des inscriptions, l'emploie aussi bien. Mais l'inconscient freudien n'est constitué que dans la relation de parole que j'ai dite, ne peut être homologué en dehors d'elle, et l'interprétation psychanalytique n'est pas probante en elle-même, mais par les effets, imprévisibles, qu'elle suscite chez celui qui la reçoit, et dans le cadre de cette relation même. On n'en sort pas.

Il en résulte que c'est l'analysant qui, seul, devrait être reçu pour attester la capacité de l'analyste - si son témoignage n'était faussé par l'effet de transfert, qui s'installe aisément d'emblée. Cela fait déjà voir que le seul témoignage recevable, le seul à donner quelque assurance concernant le travail qui s'est fait, serait celui d'un analysant après transfert, mais qui voudrait encore servir la cause de la psychanalyse.

Ce que je désigne là comme le témoignage de l'analysant est le nucleus de l'enseignement de la psychanalyse, pour autant que celui-ci réponde à la question de savoir ce qui peut se transmettre au public d'une expérience essentiellement privée.

Ce témoignage, Jacques Lacan l'a établi, sous le nom de la passe (1967) ; à cet enseignement, il a donné son idéal, le mathème[1] (1974). De l'une à l'autre, il y a toute une gradation : le témoignage de la passe, encore tout grevé de la particularité du sujet, est confiné à un cercle restreint, interne au groupe analytique ; l'enseignement du mathème, qui doit être démonstratif, est pour tous - et c'est là que la psychanalyse rencontre l'Université.

L'expérience se poursuit en France depuis quatorze ans ; elle s'est fait déjà connaître en Belgique par le Champ freudien ; elle prendra dès janvier prochain la forme de la "Section clinique".

Il me faut dire clairement ce que cet enseignement est, et ce qu'il n'est pas.

  • Il est universitaire ; il est systématique et gradué ; il est dispensé par des responsables qualifiés ; il est sanctionné par des diplômes.
  • Il n'est pas habilitant quant à l'exercice de la psychanalyse. L'impératif formulé par Freud qu'un analyste soit analysé, a été non seulement confirmé par Lacan, mais radicalisé par la thèse selon laquelle une analyse n'a pas d'autre fin que la production d'un analyste. La transgression de cette éthique se paie cher - et à tous les coups, du côté de celui qui la commet.
  • Que ce soit à Paris, à Bruxelles ou à Barcelone, que ses modalités soient étatiques ou privées, il est d'orientation lacanienne. Ceux qui le reçoivent sont définis comme des participants : ce terme est préféré à celui d'étudiant, pour souligner le haut degré d'initiative qui leur est donné - le travail à fournir ne leur sera pas extorqué : il dépend d'eux ; il sera guidé, et évalué.

Il n'y a pas de paradoxe à poser que les exigences les plus strictes portent sur ceux qui s'essayent à une fonction enseignante dans le Champ freudien sans précédent dans son genre : puisque le savoir, s'il prend son autorité de sa cohérence, ne trouve sa vérité que dans l'inconscient, c'est-à-dire d'un savoir où il n'y a personne pour dire "je sais", ce qui se traduit par ceci, qu'on ne dispense un enseignement qu'à condition de le soutenir d'une élaboration inédite, si modeste soit-elle.

Il commence par la partie clinique de cet enseignement. La clinique n'est pas une science, c'est-à-dire un savoir qui se démontre ; c'est un savoir empirique, inséparable de l'histoire des idées. En l'enseignant, nous ne faisons pas que suppléer aux défaillances d'une psychiatrie à qui le progrès de la chimie fait souvent négliger son trésor classique ; nous y introduisons aussi un élément de certitude (le mathème de l'hystérie). Les présentations de malades viendront demain étoffer cet enseignement. Conformément à ce qui fut jadis sous la direction de Lacan, nous procéderons pas à pas.

15 Août 1988


[1] Du grec mathema, ce qui s'apprend

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